Aujourd’hui, la recherche-création est en plein essor, au point qu’elle dépasse même les frontières des arts et des arts appliqués. Mais comment la développer dans le champ académique, tout en garantissant sa qualité artistique et sa reconnaissance professionnelle, en premier lieu dans le monde de l’art et du design ? Elle doit permettre la création d’œuvres pertinentes tout en produisant de nouvelles connaissances qui n’auraient pu advenir autrement. Fondée sur la pratique, par et pour la pratique, cette recherche est construite autant par la réflexivité que par une volonté de partage, non seulement des résultats, mais surtout des moyens mis en œuvre : l’“instrumentarium” artistique ainsi expérimenté et développé. Cette approche, que l’on pourrait qualifier d’“organologique” ou même d’“organogénétique”, est, sans conteste, l’un des fondements de la recherche-création menée à EnsadLab, le plus souvent dans une dynamique pluridisciplinaire impliquant sciences expérimentales et sciences de l’ingénieur. La place de choix qui est donné aux moyens expérimentés et mis en œuvre, aux techniques, comme art de faire, implique des formes méthodologiques et organisationnelles permettant un équilibre pertinent entre dynamique collective et engagement d’une autorité individuelle.
S’il est ainsi possible de poser les bases de la recherche artistique, il est également nécessaire de se demander comment l’évaluer et la partager afin de construire des communautés de pratique et, au-delà, de toucher les publics. Comment publier de telles recherches ?
“Publier ou périr !” est l’adage dans le monde de la recherche académique. Mais “publier”, c’est d’abord rendre public. Si l’écriture peut poser problème aux artistes, ces derniers, contrairement aux scientifiques, disposent de puissants “médiums” pour faire connaître leur travail : expositions, performances vivantes, objets de design, diffusion de productions médiatiques, etc. La publication académique s’envisage principalement sous la forme d’écrits - souvent illustrés - dans des revues spécialisées. Entre ces formes académiques de publication et de rencontres artistiques avec le public, est-il possible d’ouvrir de nouvelles voies répondant à la fois aux exigences académiques et artistiques ? Ces formes hybrides de publication, en s’appuyant autant sur l’expérience sensible que sur la transmission des savoirs, pourraient-elles permettre de s’adresser à la fois aux experts et à un public beaucoup plus large ? Qui plus est, ces nouveaux formats pourraient-ils contribuer à mobiliser et impliquer leurs publics ?
Pour tenter d’apporter des réponses concrètes à ces questions, il semble pertinent et productif d’explorer des voies alternatives, en hybridant formats académiques et formes artistiques.
Pour présenter cette approche organologique de la recherche-création comme cette démarche de publicisation, Samuel Bianchini s’appuiera sur de nombreux exemples menés ces dix derniers années, avant de présenter brièvement la nouvelle revue .able qui participe de ce renouvellement des modes de publication à partir de la recherche-création.