Réflexion personnelle sur la recherche en art
Réflexion basée sur Fourmentraux, J.-P. (2009). L’art à l’épreuve de la recherche. Profession et identité artistiques en mutation. In S. Bianchini (Ed.), R&C - Recherche et Création (pp. 72–87). Ed. Burozoïque. https://hal.univ-lille.fr/hal-01309806
Je ne vois pas en quoi la recherche en art peut-elle être considérée différemment que tout autre recherche par une pratique liée à la création. Quelques arguments :
- la relation maintenant claire entre l'art et le marché (Menger, P.-M. (2003). Portrait de l’artiste en travailleur. Métamorphoses du capitalisme. Seuil.)
- le développement de la notion d'industrie culturelle, lieu de rencontre entre l'art, l'ingénierie de la culture, les TICs... qui non seulement pousse la dimension collective et interdisciplinaire de la pratique artistique, et redéfinit également les modes de production et d'exposition du travail artistique.
- Il y a un argument entendu régulièrement que je considère comme erroné, ou du moins pas suffisamment développé pour être admissible : celui selon lequel la pratique artistique est intrinsèquement habité par une activité de recherche. Cette recherche est de type exploratoire, mais n'est pas nécessairement acceptable d'un point de vue de la recherche académique. Elle n'est pas une recherche académique satisfaisante si elle est l'expression d'une réflexion :
- pouvant ne pas être remis en cause car elle est exprimée sous la forme d'une performance artistique,
- manquant d'une reflexion à fortiori qui sortirait la proposition hors de la singularité du travail artistique,
- basée sur une trop faible structure argumentaire la positionnant donc sur un îlot conceptuel.
Ce sont ces éléments qui poussent à restructurer la formation en art, et donc de poser la question de l'art dans l'environnement académique, d'autant plus que la politique européenne (ou du moins française) tend à une harmonisation, pour ne pas dire à un aplatissement, des formation dans une structure LMD. Le défi n'est donc pas le développement et l'intégration d'une recherche sur l'art, domaine bien développé de longue date, mais celle de la recherche au travers de la pratique artistique (ni en amont, ni sur, mais au travers de), que l'on considère souvent comme recherche-création. Une recherche en amont de la pratique artistique est bien sûr satisfaisante, mais ce qui participe à la pratique de recherche est dissocié de la pratique artistique. Une recherche sur la pratique l'est tout autant et est elle aussi dissociée de la pratique artistique. Ils font tous les deux partie de ce que j'appellerais art studies pour l'associé au design studies du Triangle de Fallman.
À Paris, l’université des Arts plastiques de la Sorbonne propose de résoudre en ces termes la question de la recherche dans ce domaine, par une différenciation des phases de collecte et de quête méthodiques qui fondent et enrichissent la conception des œuvres (études préparatoires, esquisses, réflexions théoriques), vis-à-vis des phases ultérieures de leur réalisation pratique. « C’est justement l’un des buts que s’est fixée l’étude des conduites créatrices : démêler ce qui dans l’œuvre en cours concerne une posture de recherche (à visée cognitive) et une posture créatrice (à visée singularisante). Par exemple, les savoirs techniques, les observations autocritiques, ou les documents iconographiques et historiographiques rassemblés par l’artiste au travail, peuvent apporter des connaissances supplémentaires susceptibles de faire progresser, non pas la création de cet artiste en tant que telle, mais les savoirs et savoir-faire qui en sont les ingrédients nécessaires et dont l’artiste peut faire partager l’expérience et même généraliser les résultats.» (Extrait de la ligne de recherche du Cérap (Centre d’étude de recherche en arts plastiques) de l’UFR des Arts plastiques et des Sciences de l’art de l’université Paris I – Sorbonne, http://cerap.univ-paris1.fr/spip.php?rubrique13) (Fourmentraux, 2009).