La recherche en design
La recherche vs la science
La recherche est une discussion organisée
- Toute proposition, tout argument doit être critiquable.
- La recherche d’information est structurée.
- Les méthodes de recherche sont structurées et discutées.
- Les formes de disséminations sont identifiées et discutées.
Spécificité de la recherche en design, art et création
- Elle s’inscrit dans une multiplicité de disciplines liées au design, l’art et la création,
- Elle vise à contribuer à l’amélioration des pratiques dont elle relève. Cela explique la pertinence de cette recherche à la fois dans le monde académique et dans le monde industriel.
- Elle est intrinsèquement interdisciplinaire, faisant appel à des aspects techniques et liés à l’expérience, systémiques et relevant du particulier. La quasi-totalité des groupe de recherche dans ces domaines sont interdisciplinaires.
Types de design
Le triangle de Fallman
Ce modèle est initialement proposé par Fallman, chercheur à l’Université de Umeå en Suède, pour le design pour l’interaction. L’objectif de ce modèle est à la fois de proposer une structure des activités liées à la recherche en design, et de clarifier les liaisons externes du champs de recherche notamment avec l’industrie et la société.
Design studies
Les design studies est une approche assimilable à la recherche académique classique.
Son effort porte principalement sur la construction d’une tradition de recherche, et donc sur une accumulation ordonnée de connaissances et de méthodes utiles à la recherche et/ou la pratique.
La recherche est principalement analytique et contribue à la discussion de recherche liée à la théorie, à la méthodologie, à l’histoire, et à la philosophie en design. Son activité est ouvertement et fortement liée à d’autres disciplines. Elle emprunte notamment les techniques, les pratiques et les theories de nombreuses disciplines externes pour son propre compte.
Les design studies sont souvent considérés comme des sciences de l’artificiel (Simon, H. A. (1996). The Sciences of the Artificial (Third Edit). MIT Press.)
Design practice
Cette catégorie de la recherche en design est la plus proche de l’activité de design dans le cadre d’une pratique professionnelle classique. Elle permet entre autre d’impliquer un savoir tacite et et un savoir-faire dans les discussions liées à la fois à la pratique et à la recherche.
Au cours de cette approche, le chercheur est un acteur du projet faisant partie de l’équipe de design. Il contribue à la réussite du projet et développe ses savoirs, souvent capturés par la communication orale au sein du groupe. Il accède de plus à l’ensemble des moments du projet et peut rendre compte de sa dynamique et de sa complexité.
Pour autant, cela n’est pas une pratique du design comme les autres, car elle est également constituée d’une activité de recherche. Cette pratique s’accompagne donc d’une question de recherche - que ce soit un programme ou une hypothèse d’expérimentation. La question de recherche peut-être proactive ou reflexive.
- La proactivité vise souvent le changement d’une approche et d’une méthode, et l’évaluation de ce changement. Il peut également travailler à l’infléchissement du projet en relation avec la question de recherche traitée.
- La réflexivité vise souvent à observer et comprendre la façon dont une approche ou une technique est utilisée, au plus près de son traitement (d’où la participation, alors qu’une simple observation mettrait le chercheur à distance). La recherche dans la pratique du design est essentiellement synthétique, et engage le chercheur dans la pratique elle-même, considérant ses activités, ses livrables et leur qualité escomptée.
Design exploration
Le design exploration est proche du design practice : il entend lui-aussi être synthétique et proactif dans la réalisation d’un design de produit, de système ou du service. Il s’en différencie toutefois par les aspects suivants:
- La perspective par laquelle l’artefact est conçu. La recherche en design exploration se pose la question “What if?”. Pelle Ehn (Ehn, P. (1988). Work-Oriented Design of Computer Artifacts.) nomme cette approche une transcendance, dans le sens qu’elle “explore les possibilités hors des paradigmes actuels, que ces paradigmes soient à propos d’un style, d’un usage, d’une technologie, d’une économie”.
- L’objectif de cette activité est la recherche elle-même. Fallman indique que le client typique de cette activité est le programme de recherche du chercheur lui-même. Elle est souvent initiée par une réflexion intégrante à la recherche. Le but n’est donc pas de coller à un marché ou d’en développer un, mais plutôt de voir ce qui est possible, ce qui est désirable ou non, d’idéal ou non, ou plus simplement de proposer des exemples et des alternatives. Cette approche peut donc servir à une discussion technologique, phénoménologique, sociale, politique… et lie le design à des disciplines en sciences humaines et sociales. Dans les cas classiques de cette recherche en design exploration, on trouvera les travaux de Dunne et Raby sur le design critique, Mollon en design politique…
Cette approche de recherche en design exploration est basée sur une activité synthétique, se basant en même temps sur des théories et des fondations alternatives du design. Cette approche se base le plus souvent sur des questions de type “what if?” ou “how to design for?”, et peut également s’engager dans des projets critiques, provocateurs dans des sphères intellectuelles, sociétales, industrielles… , et visant à mettre à jour des arguments, des perspectives, des cadres de pensée ou opératoire alternatifs. Les artefacts issus de cette pratiques sont souvent considérés comme la matérialisation d’arguments, de perspectives, de théories…
Transversalité
Il ne faut toutefois pas voir ces trois approches comme des silos étanches. C’est leur association et le passage élaboré de l’un à l’autre qui constitue dans la structure et dans le temps une recherche en design. Ces mouvements invitent une variété de pratiques et de méthodes, mais aussi un variété de perspectives. Ces glissements entre perspectives invitent le sens critique sur la recherche et son objet par elle-même. Ces trois types d’activité forment la recherche en design, et a fortiori en création.
Fallman propose trois types of mouvements:
- Une trajectoire indique les glissements subtiles qui ont lieu au cours de la recherche. Sa détermination est particulièrement utile pour évaluer les contraintes liées aux projets prenant part à la recherche.
- La boucle est une trajectoire entre activités sans véritable point de départ ou d’arrivée. Elle est donc essentielle dans la dynamique de la recherche, c.a.d pour la liberté de mouvement entre les différentes activités.
- Une dimension est un sous-ensemble conceptuel du modèle qui installe un continuum de 1 ou 2 dimensions entre deux activités. Elle sert à créé une tension sémantique entre les différentes activités. La dimension financière, par exemple, montre la tension entre design practice (important) et design exploration (classiquement plus critique). La dimension réel-vrai créé une tension entre et design studies. Exemples de dimensions :
- vrai-réel-possible
- jugement/intuition/goût - analyse/logic
- tradition - transcendance
- particulier - universel - idéal
- créer/changer - expliquer/comprendre - suggérer/provoquer
- client - pair - critics
Recherche x design
La recherche sur le design
La recherche en design
La recherche au travers du design
Frayling - 1993 - Research in Art and Design.pdf
Is it research about design?, is it research in design? or is it research through design? [Frayling, 1993] Documenting the Research Through Design Process | Proceedings of the 2016 ACM Conference on Designing Interactive Systems
Bardzell et al. - 2016 - Documenting the Research Through Design Process.pdf
Wicked Problems in Design Thinking on JSTOR
Lab, Field, Gallery, and Beyond
Lab Field Gallery and Beyond.pdf
La recherche au travers du design vise à engager la pratique du design, cad la réflexion, les processus et les artefact du design dans la recherche en tant que méthode d’investigation. (Bardzell et al., 2016)
La RtD se différentie de la “science dure” car elle traite de “wicked problems” (problèmes complexes - Buchanan, R. (1992). Wicked Problems in Design Thinking. Design Issues, 8(2), 5–21. JSTOR. https://doi.org/10.2307/1511637), lesquels ne sont par définition pas traitables par les modes de recherche en science dure ou en ingénierie.
Cela induit par exemple que la solution proposée n’est potentiellement optimale que pour la situation traitée (le travail est situé) et ne tend pas à trouver une solution générale, une vérité scientifique. Le lien est en revanche fort avec la recherche-action utilisée en sciences humaines et sociales. Koskinen affirme même que les chercheurs en design se sont appropriés la recherche-action pour former la RtD (Koskinen, I., Binder, T., & Redstrom, J. (2008). LAB, FIELD, GALLERY, AND BEYOND. Artifact2(1), 46–57. https://doi.org/10.1080/17493460802303333).
Les artefact produits par le RtD sont en eux-mêmes une contribution implicite. Ils matérialisent et codifient la compréhension du designer d’état actuel, incluant l’ensemble de relations en jeu, et décrivent également un état préférable proposé par le design sous forme de la construction de l’artefact.
La recherche liée au design est une activité visant une production de connaissance directement pertinente pour la communauté du design, en recherche ou en pratique. Elle peut être menée par un designer ou un académique, pourvue que cette activité suive un certain nombre de critères et qu’elle fasse avancer la discussion de la recherche liée au design.
La recherche en design n’est pas exclusive à une activité académique. Elle peut se dérouler dans un cadre professionnel (tout comme le fait par exemple la médecine) pourvu qu’elle puisse disséminer un élément critique potentiellement capable de faire évoluer la pratique ou la réflexion d’autres praticiens.
Programme et interventions
Programme de recherche
Cette discussion vise non pas une ambition epistémologique (eg sur l’articulation de la connaissance - cf. discussions such as Biggs 2006, Rosengren 2007), mais programmatique, cad sur l’organisation de l’activité de recherche.
Le programme est un plan d’ensemble qui expose les objectifs et les intentions d’une recherche. L’explicitation formelle d’un programme de recherche permet de structurer une activité de recherche au long court, marquée par des interventions. Le programme permet donc de donner une structure claire à une dissémination critique de la connaissance répondant a des questions liées à des objets (quoi) ou à des méthodes (comment).
Exemples
Slow Technology – Designing for Reflection | Personal and Ubiquitous Computing
Exemples de programmes de recherche en design: • comment la pratique du design change si les technologies de l’information et de la communication sont considérées comme un matériau pour le design et non plus comme un outil, • quelles relation existent-t-ils entre la pratique du design et celle de l’appropriation au quotidien, • designing for slow technology (Hallnäs et Redström 2001), • Bauhaus (Gropius 1926, p. 95): The Bauhaus wants to serve in the development of present-day housing, from the simplest household appliances to the finished dwelling. In the conviction that household appliances and furnishings must be rationally related to each other, the Bauhaus is seeking — by systematic practical and theoretical research in the formal, technical and economic fields — to derive the design of an object from its natural functions and relationship. (et dans Redström 2011: “Clearly, the strong programmatic statements were not present at this time – but other fundamentals of a design research program certainly were: the creation of an experimental environment, the urge to do things differently, and a substantial openness to what might come out of it.”).
Qualités du programme
Le programme est essentiellement prévisionnel, c’est-à-dire qu’il ne se structure pas sur une base certaine (sur un ensemble d’axiomes déterminant une grande partie de la perspective sur laquelle il travaillera), mais plutôt sur base fonctionnant comme une prémisse de départ qui paraît pertinente pour le sujet abordé, mais qui saura également évoluer au court de la recherche suivant que cette dernière corrobore ou infirme de façon dialectique entre la recherche et l’investigation la perspective prise a priori de la recherche.
Un programme de recherche se structure alors sur un ensemble d’interventions, lesquelles permettent de cadrer et de situé son programme (dans le temps, dans l’espace et dans la culture). Il suggère donc une recherche-action, par laquelle le chercheur s’engage dans une série d’interventions dans le but de créer des conditions de nouvelles pratiques observables à partir desquelles une connaissance peut être extraite et critiquée/discutée.
Dans cette approche, rendue difficile par la participation active du chercheur, par la transformation des pratiques et des environnements, et par l’instabilité de la perspective sous-jacente au programme de recherche, doit toutefois rester pertinente à la pratique et sujette à l’évaluation. L’évaluation n’est toutefois pas scientifiquement classique, dû notamment au fait que le recherche-action est située. La répétition d’une expérimentation est rarement envisageable, une intervention jamais. C’est la clarté du travail, de ses conditions d’exécution et de son rendu en relation avec la question de recherche, que ce soit une expérimentation ou une intervention, qui permette une dissémination claire d’un savoir encore critiquable.
Le programme de recherche est donc une approche apparemment normative. C’est à la fois une proposition, un pris-parti, et une question ouverte qui entend proposer une transformation de pratique du design. Il peut être complémentaire ou contradictoire à d’autres programme de recherche. Même s’il se veut général, il n’est donc pas global (ou universel) et se penche sur des aspects spécifiques qu’il grossira tout en réduisant l’attention portée sur d’autres éléments. La multitude de programmes de recherche qui se complémentent, se contredisent, bref discutent de façon critique ensemble est essentiel à une bonne conduite de la recherche en design au niveau communauté de recherche. Ce positionnement et cette capacité à participer à la “discussion globale” de la recherche en design. Ceci induit que sa pertinence prend corps dans le cours de son execution, se formant sur la base des interventions qui contribuent au programme. Il lui faut donc du contenu pour être évalué, que ce soit sur des aspects théoriques, épistémologiques, méthodologiques, pratiques ou sociaux. Cette évaluation passe notamment par la façon dont ces interventions interrogent la question de recherche, et produisent des connaissances capables de contribuer à son avancement.
Un programme de recherche n’est pas statique. Au fur et à mesure de son questionnement par les experimentations, les interventions, et l’ensemble des discussions et des critiques émises par la communauté, la question de recherche se reformule, la perspective se recadre progressivement. Ceci induit des cycles, ou des itérations, entre lesquels la perspective, la question, voire le programme lui-même peuvent être reformulés ,et que systématiquement invitent pour de nouvelles experimentations ou interventions. Ceci arrive le plus souvent quand une expérimentation ou une intervention semble s’éssoufler, ou lorsqu’un nouvel insight impactant significativement la perspective en cours.
Dynamique du programme de recherche
Ceci implique une contrainte stratégique sur la formulation du programme de recherche: il lui faut à la fois clarifier l’objectif globale du programme et l’objectif particulier et “pragmatique” de l’itération, chacun devant permettre la discussion et la critique de la part de la communauté de recherche.
Cela pose à nouveau la question de ce qui est évaluer pour un programme de recherche. Alors que l’évaluation d’un cycle paraît plus évidente (mais qui diffère suivant sa nature), celle de lu programme peut l’être par une variété de critères, et l’on s’intéressera particulièrement à trois contribution:
- celle pour la pratique du design,
- celle pour la recherche en design,
- celle bien sûr pour la contribution sociale et écologique.
Étant par essence située, le programme de recherche s’inscrit dans le temps et l’espace et n’est donc pas intemporel. Le programme s’inscrit donc dans un regard sur le mode (worldview) qui porte un regard sur sujet d’étude potentiellement pertinent à la fois dans l’état de l’art de la pratique et de la recherche en design, mais aussi dans le contexte industriel, sociétal et écologique d’alors.
La mise en place d’un programme de recherche en design commence le plus souvent par une question critique sur une pratique, un état de l’art, ou une situation socio-écologique. Son objet reste une amélioration d’une pratique de design, le but n’étant pas, par exemple, d’améliorer une situation sociale, mais d’améliorer une pratique de design qui entend elle améliorer cette situation sociale. Une tradition du groupe de recherche DQI à TU/e aux Pays-Bas était de commencer la question du programme de recherche par “How to design for…”. Nous notons de plus ici que la question engage et ne met pas le chercheur dans une position uniquement descriptive.
Et il faut toujours s’attendre à un début expérimental, informe, qui prendra progressivement une structure plus compréhensible et effective par un pratique reflexive. De plus, un programme n’est que très rarement premier, dans le sens ou il suit souvent une intuition, une expérience, une expérimentation, un projet qui ouvre la réflexion et la curiosité. Le plus souvent il demande de plus quelques efforts supplémentaires expérimentaux et discursifs… pour être formé, calibré. Ces expérimentations premières ont donc un effet normatif important, norme qui peut au court du temps être mis au défi par d’autres expérimentations trouvant valeur dans la réflexion et l’inattendu. Il n’en reste pas moins que la primauté du programme est une constante car sans son élaboration, l’ensemble de la recherche n’est pas unifié et cohérent. Le programme peut ne pas être premier dans le déroulé de la recherche, mais il l’est dans la formation de celle-ci.
Le programme doit de plus rester un ‘objet’ ouvert et prêt à accueillir de l’inattendu, qui se découvrira au cours d’expérimentations. Cela fait du programme un objet un peu particulier de la recherche, qui justement généralement demande précision et testabilité des object qu’elle manipule. Le programme lui ouvre des espaces d’expérimentations, de questionnements, de réflexions.
Il pointe le plus souvent ce qu’il entend transformer, et par là-même donner déjà une direction pour les expérimentation à mener.
L’ouverture du programme, la multiplicité des expérimentations, la formation du programme au cours de la recherche, et donc de l’exécution des expérimentations qui elles-mêmes sont fondés sur les perspectives, les questionnements les critiques, et les donc les interprétation du programme, font que la perspective du chercheur est également engagé -> pratique transformative et reflexive.
Cette pratique invite engage les intentions et le projet global du chercheur dans le processus de formation du programme et dans la mise en place des expérimentations, et donne une direction globale à la recherche.
La force du programme repose donc également sur sa capacité de suggestion, c’est-à-dire sur ce qu’il permet de suggérer donc en terme de développement ou de transformation cohérent et effectif d’une pratique et des effets sur le champs visé par cette pratique, sur ce qu’il propose en terme de progression de recherche et d’expérimentations à engager. Une contradiction donc avec sa nature ouverte sur l’inattendu. Le programme doit en effet à la fois être ouvert sur l’inattendu tout en étant directif pour ne pas se perdre.
La nature ouverte et en progression continue du programme ne rend pas sa conclusion aisée à atteindre. Il n’est pas intrinsèquement structurer pour être conclue, comme le peut-être une hypothèse à laquelle une expérimentation répond. Outre les aspect extérieurs et souvent pratiques qui peuvent conduire à la terminaison d’un programme (e.g., fin d’un financement ou d’autres ressources). Une conclusion plus centrée sur le programme porte sur la contribution portée par les expérimentations. Si cette contribution répond suffisamment au questions du programme, si bien que l’ensemble semble proprement aligné, que les connaissances acquises servent la pratique pour la faire avancer, un qu’une progression supplémentaire serait plutôt du côté de la pratique (eg acquisition de compétences par entrainement) plutôt de de la recherche, alors le programme peut être, du moins temporairement, conclue. Le programme est ‘utile’ et sont résultat prêt à être utilisé dans la pratique de façon renseignée et cohérente. Ce qui arrive également est que d’un programme émerge un autre programme potentiellement de plus grande valeur pour la recherche et la pratique, ou plus actuel. Alors le premier programme peut-être arrêter pour transférer les ressources au second. Enfin, il arrive que simplement le programme s’essouffle, que la question de recherche ne puisse plus être reformulé pour lui permettre d’aller plus loin. Toutes ces possibilités semblent porter la décision de la conclusion d’un programme sur une décision du chercheur, et non sur une décision porté par une observation ou un résultat objectif. Cette décision se fait dû à des facteurs extérieurs, en relation à d’autres programmes passés ou e
Interventions - expérimentations
Interventions en recherche
Le programme de recherche se nourrit d’expériences, et donc d’interventions. Il faut donc bien commencer quelque part (cf. Sennett).
Quelques considérations (en grande partie d’après Redström (2011), et dans le désordre):
- Dans une recherche classique, une expérimentation permet de travailler avec un hypothèse posée a priori. L’expérimentation permet le plus souvent d’infirmer ou de valider l’hypothèse, et parfois de la discuter et de la reformuler.
- Dans le cas de la recherche en design, l’intervention permet de faire avancer un travail qui peut consister à clarifier ou reformuler le programme, à définir ou qualifier des constituants du programme (e.g., la mise en place d’outils permettant d’améliorer la pratique du design concernée par le programme), à progresser dans une réflexion au travers de l’action menée durant l’intervention… Il ne s’agit donc pas ici de d’infirmer ou de valider une affirmation, mais de discuter le programme et de déterminer ce qui peut servir la pratique du design dans le champs définit par le programme. L’intervention permet de nous renseigner sur de quoi tient le programme, et sur ce qui peut contribuer à une amélioration de la pratique du design concernée par le programme.
- Alors qu’une hypothèse peut le plus souvent être estimée par une unique expérimentation, le programme est composée d’une multitude l’interventions qui forment, déforment, reforment, discutent, testent…. le programme et montrent la variété des perspectives et des apports qu’il propose. Ceci induit qu’une forme de logique inter-interventionniste doit se développer au court de la recherche, logique qui repose sur la structure du programme et de nos interprétations de celui-ci au court du temps, ainsi que nos interprétations des interventions et des résultats que l’on obtient.
- Les interventions sont constitutifs d’itérations du programme de recherche. Cette relation entre interventions et programme viennent du besoin de la matérialisation du programme, laquelle permet une mise en situation de la worldview qui permet de la ’tester’, de la penser et la critiquer de façon directe et concrète. Ce qui alors permet de proposer que l’expérimentation vient contribuer au programme car celui-ci n’est pas juste un programme, mais un programme pour quelque chose, et c’est ce quelque-chose qui nécessite la matérialisation de l’expérimentation (Redström 2011).
- L’intervention quant à elle a besoin d’une intention pour être effective. Dans une science classique elle permettrait d’infirmer ou de valider une hypothèse. Dans le cas de la recherche en design, elle peut permettre de plus directement répondre à une question méthodologique: comment fait quelque chose, avec quelles ressources. Cette question et le travail qui y contribue doivent toutefois garder les qualités nécessaires à leur critique et donc contribuer à une discussion de recherche. L’experimentation est donc un moment du programme, au travers de laquelle le programme est interprété, et aux suites de laquelle le programme peut être réinterpréter ou changé. Elle ouvre un espace de design permettant cette mise en perspective (médialité de dorian?), permettant de spécifier certains éléments utile à la formation et au progrès du programme…
Qualités de l’interventions en recherche en design:
- Elle produit de la connaissance générative;
- Elle est réalisée en situation d’incomplétude, et le résultat ne peut être prévu au départ;
- Sa valeur est sa fécondité;
Trois situations d’expérimentations
Koskinen, I., Zimmerman, J., Binder, T., Redström, J., & Wensveen, S. A. G. (2011). Design Research through Practice: From the Lab, Field, and Showroom. Elsevier.
Laboratoire
Un environnement contrôlé pour limiter le bruit, et assuré une certaine stabilité expérimentale.
Terrain
Un environnement pour rendre compte de la réalité d’un usage, d’une acceptabilié et d’une acceptation, d’une forme d’appropriation.
Exposition
Un environnement d’attention permettant l’expérimentation temporaire, la critique, le débat.
Réflexion personnelle sur la recherche en art
Réflexion basée sur Fourmentraux, J.-P. (2009). L’art à l’épreuve de la recherche. Profession et identité artistiques en mutation. In S. Bianchini (Ed.), R&C - Recherche et Création (pp. 72–87). Ed. Burozoïque. https://hal.univ-lille.fr/hal-01309806
Je ne vois pas en quoi la recherche en art peut-elle être considérée différemment que tout autre recherche par une pratique liée à la création. Quelques arguments :
la relation maintenant claire entre l’art et le marché (Menger, P.-M. (2003). Portrait de l’artiste en travailleur. Métamorphoses du capitalisme. Seuil.)
le développement de la notion d’industrie culturelle, lieu de rencontre entre l’art, l’ingénierie de la culture, les TICs… qui non seulement pousse la dimension collective et interdisciplinaire de la pratique artistique, et redéfinit également les modes de production et d’exposition du travail artistique.
Ce sont ces éléments qui poussent à restructurer la formation en art, et donc de poser la question de l’art dans l’environnement académique, d’autant plus que la politique européenne (ou du moins française) tend à une harmonisation, pour ne pas dire à un aplatissement, des formation dans une structure LMD. Le défi n’est donc pas le développement et l’intégration d’une recherche sur l’art, domaine bien développé de longue date, mais celle de la recherche au travers de la pratique artistique (ni en amont, ni sur, mais au travers de), que l’on considère souvent comme recherche-création. Une recherche en amont de la pratique artistique est bien sûr satisfaisante, mais ce qui participe à la pratique de recherche est dissocié de la pratique artistique. Une recherche sur la pratique l’est tout autant et est elle aussi dissociée de la pratique artistique. Ils font tous les deux partie de ce que j’appellerais art studies pour l’associé au design studies du Triangle de Fallman.
À Paris, l’université des Arts plastiques de la Sorbonne propose de résoudre en ces termes la question de la recherche dans ce domaine, par une différenciation des phases de collecte et de quête méthodiques qui fondent et enrichissent la conception des œuvres (études préparatoires, esquisses, réflexions théoriques), vis-à-vis des phases ultérieures de leur réalisation pratique. « C’est justement l’un des buts que s’est fixée l’étude des conduites créatrices : démêler ce qui dans l’œuvre en cours concerne une posture de recherche (à visée cognitive) et une posture créatrice (à visée singularisante). Par exemple, les savoirs techniques, les observations autocritiques, ou les documents iconographiques et historiographiques rassemblés par l’artiste au travail, peuvent apporter des connaissances supplémentaires susceptibles de faire progresser, non pas la création de cet artiste en tant que telle, mais les savoirs et savoir-faire qui en sont les ingrédients nécessaires et dont l’artiste peut faire partager l’expérience et même généraliser les résultats.» (Extrait de la ligne de recherche du Cérap (Centre d’étude de recherche en arts plastiques) de l’UFR des Arts plastiques et des Sciences de l’art de l’université Paris I – Sorbonne, http://cerap.univ-paris1.fr/spip.php?rubrique13) (Fourmentraux, 2009).
Il y a un argument entendu régulièrement que je considère comme erroné, ou du moins pas suffisamment développé pour être admissible : celui selon lequel la pratique artistique est intrinsèquement habité par une activité de recherche. Cette recherche est de type exploratoire, mais n’est pas nécessairement acceptable d’un point de vue de la recherche académique. Elle n’est pas une recherche académique satisfaisante si elle est l’expression d’une réflexion :
- pouvant ne pas être remis en cause car elle est exprimée sous la forme d’une performance artistique,
- manquant d’une reflexion à fortiori qui sortirait la proposition hors de la singularité du travail artistique,
- basée sur une trop faible structure argumentaire la positionnant donc sur un îlot conceptuel.
to check
- D’une façon générale la revue Culture et recherche est une mine et me paraît vraiment intéressante à recommander parce qu’elle va se questionner à la fois sur la recherche en art et création et en ingénierie culturelle. Mais sur le sujet de la recherche création il y a deux numéros spécifiques
- Il y a aussi la revue Culture et musées
- La recherche dans les écoles supérieures d’art, C_ulture et Recherche_ n° 130 2014
- La recherche dans les écoles supérieures d’art, C_ulture et Recherche_ n° 137 2017
- L’artiste un chercheur par comme les autres” Hermès n° 72 hiver 2014-2015
- Caillet, Aline L’art de l’enquête: savoirs pratiques et sciences sociales, Mimésis, 2019
- Rageul, Anthony « La méthode de recherche-création en Arts Plastiques : prescription, prospective et mise à l’épreuve de l’objet ». Belphégor (19‑1). doi: 10.4000/belphegor.3893, 2021
- Talon-Hugon, Carole. L’artiste en habits de chercheur. Puf, 202Gropius.pdf